Playing with Fire [libre]

Avril déambulait dans les couloirs, sans raison particulière. En fait, elle ne faisait pas attention à là où elle allait, perdue dans une de ses interminables rêveries.
Là, elle pensait au livre qu'elle était en train de lire, et s'imaginait à la place de l'héroïne. Qu'aurait-elle fait si elle s'était retrouvée dans un monde totalement absurde? Sûrement mieux que cette cruche d'Alice.
Sans y faire attention, elle ouvrit une porte et entra dans une pièce.
Personne. Parfait. Sans remarquer le jeune homme, elle s'assit à une table près de la fenêtre, ouvrit son carnet et commença à dessiner.

Avril sursauta. La salle n'était pas vide en fait...
Le type qui venait de parler ne lui disait rien. Elle ne savait même pas si il était de sa classe ou pas. Enfin, en considérant le fait qu'il tenait un briquet et louchait sur son carnet avec un air de psychopate, il devait plutôt être un Pain.
Mais bon, ça ne la dérangait pas de ne pas être seule. Si il n'était pas content, il n'avait qu'à partir.

- Bonjour. J'espère que je ne dérange pas.
...Mais même si c'est le cas, je m'en moque. ça, elle n'allait pas le dire. Avril était plutôt polie. Si on ne la cherchait pas.

Sa dernière phrase sonnait faux. Il n'avait pas l'air ravi qu'elle soit là.
Mais bon, puisqu'il avait dit qu'elle ne dérangeait pas...

- Alors je vais rester ici.

Tout en parlant, elle continuait à dessiner : une fraise, puis un scarabée, allez savoir pourquoi.

- Et puis, ce n'est pas parce qu'on est deux dans une pièce qu'on est pas seul.

Ce n'était pas très clair, mais elle se comprenait. Elle se sentait toujours seule. Les gens la fuyait. Personne n'aimait la compagnie d'une déprimée comme elle. Elle ne voyait pas pourquoi ça serait différent dans cette école de pouilleux.

Avril se voyait mal répondre"une fraise et un scarabée". Elle dessinait ce qui lui passait par la tête, par conséquent, le résultat était pour le moins... étrange. Mais c'est pour cette raison que ce carnet était si précieux. Il retracait ses pensées et ses journées sous formes d'esquisses. C'était comme une extension d'elle même.

- Rien d'intéressant.

Tout en prononçant ces mots, elle se tourna vers le jeune homme et, rapidement, dessina son visage inexpressif si ce n'est cette lueur dans les yeux un peu dérangeante. Elle intitula le portrait " le type au briquet".

Avril était un peu longue à la détente, mais là, une petite sonnette d'alarme commençait à retentir dans sa tête. Le type 1. Avait un briquet 2. faisait des allusions au feu plus ou moins subtiles depuis tout à l'heure 3. lorgnait sur son carnet depuis un bon moment également 4. Et là, venait clairement de dire que son petit cahier allait disparaître. La conclusion qui s'imposait était...

- Je voulais dire rien d'intéressant pour toi... Mais pour moi il est très important...

La jeune fille se rendit compte qu'elle s'enfonçait, et préféra ne rien ajouter de plus. En fait, si, elle ajouta "probable pyromane" en dessous du portrait du jeune homme.

La bourde monumentale. En disant qu'elle tenait à ce carnet, elle venait de donner au type le bâton pour se faire battre.
En le voyant s'approcher, elle risqua un coup d'oeil en direction de la porte. Son instinct de survie lui disait de partir en courant, et sa ridicule petite fierté la forçait à rester là, feignant le calme.
Elle adressa un sourire innocent au jeune homme, tout en se mettant clairement entre lui et le carnet.

- Je suis très soigneuse. Il n'y a aucune raison qu'un accident de ce genre arrive.

Brrrrr. Il avait le même sourire que Grominet s'apprètant à manger Titi. Pendant un petit instant, Avril imagina le jeune homme avec la tête de l'espèce de chat du dessin animé. Cela lui arracha un demi-sourire, et elle se promit de faire une caricature de ce type le plus tôt possible. Si son carnet survivait à cette rencontre...
A cette idée, elle reprit son sérieux.

- C'est vrai dans certain cas. Mais d'autres situations méritent une vigilance accrue. Cependant, c'est gentil à toi de t'inquiéter pour mon carnet.

Peut-être qu'elle poussait le bouchon un peu trop loin?

Ouh là, là... Elle n'aimait pas du tout cette question... Alors, que faire? mentir, ou dire la vérité. Avril se demandait laquelle des deux solutions comportait le plus de risques pour son carnet. Elle supporterait très mal de le perdre, pas à cause du carnet lui même, mais plutôt à cause de tous les dessins, les notes qu'il contenait. C'était toute une partie de sa vie.
Sur un coup de tête, elle regarda le jeune homme droit dans les yeux et, serrant le carnet contre sa poitrine, dit sur un ton très calme.

- Oui, il est très, très important pour moi.

- Tu n'aimerais pas qu'on fouille dans tes affaires, n'est-ce pas? C'est la même chose.

Bien sûr que non, qu'il ne pouvait pas regarder. C'était absolument privé! Avec plein de remarques sur telle ou telle personne, des esquisses, des caricatures aussi... Et en plus, il y avait un dessin du jeune homme avec marqué "probable pyromane" en dessous... Pas très subtil... Non, il ne fallait surtout pas qu'il regarde à l'intérieur. Avril serra un peu plus le carnet contre elle.

- ça m'étonnerait. je suis quelqu'un de très ennuyant, et ce que je met dans un carnet doit l'être encore plus.

En espèrant qu'il va changer de sujet.

Bon, là elle commençait à en avoir marre de ce petit jeux, et surtout à craindre sérieusement pour son carnet. Ce type insistait tellement, alors que si ça se trouve, ce qu'il y avait dedans ne l'intéresserait même pas! Inutile de prendre plus de risques. la jeune fille se leva. Sans regarder son interlocuteur, elle débita rapidement :

- Je viens de me rappeler que j'avais quelque chose à faire. Donc je vais y aller.

Excuse absolument minable...

Le seuil limite de la patience d'Avril était sur le point dêtre dépassé, là.
Elle fusilla du regard le jeune homme. Qu'il essaye tiens!
En voilà un qui ne se prenait pas pour n'importe qui.

- Je passe quand même.

Dit sur un ton froid et sec, qui contrastait avec l'attitude polie et innocente qu'elle avait eu jusqu'ici. Avril était assez lunatique. Et là, elle venait de paser en mode "irritée" sans prévenir.