Blow a kiss, I run through air ♣

Malade. Comme d’habitude.
Mais cette fois, c’était différent. Plus lancinant. Lorenzo n’avait cessé de se masser le bras droit toute la matinée, serrant les dents à la douleur engendrée. C’était quelque chose de cardiaque, son esprit névrosé en était persuadé. Alors, après le déjeuner, il s’était décidé : l’infirmerie. Encore. Gino ne pourrait pas lui dire que c’était psychologique, cette fois. Il avait vraiment mal, bon Dieu !

« Monsieur Innocente ? Vous êtes là ? » appela-t-il en italien en poussant la porte ; l’avantage, d’avoir un infirmier de la même nationalité, était qu’il pouvait s’exprimer à son aise dans sa langue maternelle.

Lorenzo s’installa docilement sur le lit lorsque Gino l’y guida, hochant la tête à ses mots pour répondre un scusi signore sans pouvoir s’en empêcher. Un jour peut-être saura-t-il laisser sa lourde éducation de côté pour se montrer plus entreprenant en relations humaines.

« J’ai mal au bras depuis ce matin. Surtout là. » expliqua-t-il en désignant son avant-bras, insistant au niveau de l’épaule. « Je pense que c’est cardiaque, vous savez, on dit que ce sont les premiers symptômes avant l’infarctus et ce genre de choses. » dit-il en s’armant d’un sourire maladroit.

Lorenzo cilla à chaque causes citées par Gino en marquant son propre temps d’assimilation tout en baissant les yeux sur l’hématome dévoilé par l’infirmier.

« C’est parce que je n’ai pas arrêté de frictionner mon bras en espérant faire partir l’engourdissement. » se justifia l’adolescent en prenant docilement le verre avant de le porter à ses lèvres. La première gorgée eut cependant un goût si atroce qu’il ne put s’empêcher de la recracher la seconde suivante, arrosant par mégarde son aîné dans la manœuvre. « Je.. Pardon ! » s’empressa-t-il de balbutier en dégainant son mouchoir pour le lui tendre.

Lorenzo obtempéra aux indications de Gino, l’observant faire avec une certaine gêne, se sentant coupable de le perturber autant à l’heure où il aurait dû digérer son déjeuner. « Désolé. » répéta-t-il d’ailleurs en se frictionnant son bras endolori, plissant le nez à la vive douleur qui s’ensuivit sans pour autant en faire part à l’infirmier. « Vous voulez ma veste ? Vous allez attraper froid, si vous restez comme ça. » se proposa-t-il alors, soucieux de bien faire, en enlevant d’ores et déjà son vêtement sans attendre de réponse.

Si Lorenzo ouvrit la bouche pour tergiverser, il ne chercha pas davantage à tenir tête à Gino et soupira à son tour, affligé par sa propre maladresse. Docile, il attrapa l’ibuprofène qu’il goba tout rond avant de porter la canette à ses lèvres pour en boire plusieurs gorgées, remerciant l’infirmier à demi-mots en s’essuyant la bouche d’un revers de manche. « Alors, vous n’allez pas me faire des tests pour déceler ce que j’ai ? Ou au moins utiliser votre stéthoscope pour vérifier mon rythme cardiaque ? » insista-t-il finalement après une hésitation, ne perdant pas son objectif de vue.

Si Lorenzo se para d'une discrète moue d'irritation au froid du stéthoscope - malgré le nombre de fois où il avait côtoyé cet appareil, il ne se faisait jamais à ce contact désagréable - il se reprit assez vite pour prendre une grande et profonde respiration, se tenant le plus droit possible. Il y avait des réflexes qui s'acquérait assez vite à force de côtoyer le cortège médical.

Lorenzo tira une tronche du fin du Monde lorsque Gino lui ébouriffa les cheveux en lui annonçant qu'il n'avait rien, se permettant finalement un soupir dont on ne savait trop s'il était motivé par la déception ou le soulagement. Rabattant sa chemise et refermant sa veste, le sicilien hocha vaguement la tête à ses conseils, le remerciant à demi-mots, avant de fouiller dans son sac de cours pour en sortir une papillote qu'il tendit à son aîné.

« Tenez. En guise d'excuses pour ce dérangement. Ils en distribuent plein en ce moment, à cause de Noël, et ça commence à m'écœurer, alors si ça peut vous faire plaisir.. » expliqua-t-il en haussant un sourcil pour lui-même, se demandant s'il ne couvait pas une crise de foie, mais un regard à l'infirmier le dissuada d'en faire part. Demain, peut-être. L'infarctus était suffisant pour aujourd'hui.

Lorenzo acquiesça en se remettant debout d'une impulsion, enfilant son sac en bandoulière en repassant sa main dans ses cheveux pour remettre ses mèches en place par habitude. « Merci. » répéta l'adolescent en adressant un sourire affable à l'infirmier. « Vous restez ici pour les fêtes de fin d'année ou vous retournez en Italie ? » demanda-t-il ensuite sans autres formes de liaison, réajustant simultanément sa veste.

« Oh. » commenta Lorenzo, un peu désappointé pour Gino, même si l'expression de ce dernier semblait ne pas trahir une quelconque déception pour sa part. C'était le désavantage, avec l'infirmier : ses expressions blasées finissaient par se confondre et il devenait particulièrement malaisé d'en tirer quoi que ce soit. « J'espère alors que vous avez pu participer au tirage au sort organisé par la direction ! Vous savez, offrir un cadeau à quelqu'un que l'on ne connaît pas.. Pour vous sentir plus à l'aise, comme chez vous. » avança-t-il ensuite en cillant de curiosité, se doutant que l'adulte ne considère pas la Break Academy comme un réel foyer chaleureux.

« Et vous trouvez ça suffisant ? » ne put s'empêcher de demander Lorenzo en cillant de surprise, avant de marquer un temps devant son propre comportement. « Excusez-moi, je ne voulais pas me montrer déplacé. » se hâta-t-il de rajouter en se frottant le bras gauche qui le lançait encore un peu sans pour autant insister auprès de l'infirmier. « Encore pardon de vous avoir importuné pour.. pas grand-chose. Et pour votre veste. » conclut-il en un sourire affable, refermant son propre manteau avec soin en jetant un bref coup d'œil aux médicaments étalés dans la vitrine un peu plus loin.